La gestion des émotions [1/2]
Comment réagir aux larmes et aux paniques ?
Nous vous proposons un résumé de l’ouvrage d’Isabelle Filliozat en 2 parties. Un ouvrage qui trône sur notre table de chevet et depuis longtemps gribouillé, surligné, corné tant il est criant d’apprentissage. À vous de juger !
En 2021, nourrir le quotient intellectuel de nos enfants n’est plus suffisant. Nous devons nous soucier de leur quotient émotionnel. Il est urgent d’apprendre à identifier et mettre des mots sur nos émotions. Souvent démunis, nous cherchons à les calmer, à les faire taire mais il est urgent d'apprendre à les exprimer et à s'en servir positivement car l’émotion a un sens, elle est guérissante.
Mais alors, comment faire en tant que parent ? Comment aider nos enfants à développer ce quotient émotionnel ?
Il n’y a ni recette miracle ni définitions absolues. Isabelle Filliozat nous demande d’être tolérants envers nous-mêmes, nous parle de l’importance d’exprimer nos propres émotions et besoins. Selon elle, il est également primordial d’écouter notre enfant, d’être attentif à ses besoins, de lui donner la permission de libérer ses tensions et de faire de la place pour ses décharges émotionnelles.
PARTIE 1
Les (bonnes) questions à se poser
L’enfant est une personne à part entière. Comprendre ce qui se passe dans leur tête est quasi mission impossible. L’auteure en est certaine, “appliquer des réponses systématiques selon un schéma éducatif prédéterminé, c’est nier l’individu comme sujet. Se poser des questions devant un enfant, c’est témoigner du désir de lui répondre individuellement”. Mais de quelles questions parle-t-elle ?
7 questions à se poser en tant que parent pour répondre à (presque) toutes les situations :
1. Quel est le vécu de votre enfant ?
Le petit enfant est prisonnier de l’immédiateté. Son cerveau n’est pas assez mature pour relativiser ou hiérarchiser les enjeux. Il interprète les choses à sa manière, avec les informations dont il dispose et voit donc le monde depuis ses propres yeux.
Arnaud est agressif, il fait de grosses colères, ses parents se sont séparés. Dans sa tête, il se dit “papa est parti = il ne m’aime pas parce que je suis un méchant enfant”.
Ce genre de conclusion forment des croyances sur soi, sur la vie et peuvent créer des nœuds ou des blessures profondes.
Etienne sanglote, son ballon a éclaté. Sophie qui a appris cette attitude d’écoute se retient de le consoler en lui proposant d’en acheter un nouveau. Elle lui demande
- “Qu’est-ce que c’est ce ballon pour toi?”
- Etienne répond en sanglot “Tout meurt ! Mon papy est mort la semaine dernière”.
Nous devons écouter, chercher à identifier ce que vit notre enfant et comment il associe les choses. Etienne a été entendu dans sa tristesse car Sophie a choisi de ne pas banaliser ou minimiser la situation. Pour nous, perdre un ballon n’est pas grave. L’enfant, lui, voit un ballon puis, plus rien. Un détail qui nous échappe mais qui revêt peut-être une grande importance à ses yeux.
Pleurer, trembler, crier sont des façons d’exprimer sa souffrance, de la libérer et de se “récupérer”. Isabelle F. préconise de toujours laisser s’exprimer un enfant sans tenter de le calmer. Prenez votre enfant au sérieux, ne lui demandez pas “pourquoi” il pleure car il essaierait de fournir une explication rationnelle (et le plus souvent il n’en a aucune idée). Accompagnez-le plutôt en lui posant des questions sur son ressenti : “Que se passe-t-il?" “Qu’est ce qui te rend triste?” ou encore “De quoi as-tu peur?".
2. Que me dit-il ? S’agit-il de caprices ?
Les comportements bizarres ou qui sortent de l’ordinaire sont souvent nommés “caprices”. Il n’existe pas de “caprice”. Derrière les cris que les parents ne savent pas interpréter , se cache un besoin, un message à décoder. L’enfant s’exprime et dit quelque chose. Une opposition, une dépendance, une incapacité de concentration… Tous ces comportements ont une motivation. Il y a là un besoin caché, une émotion réfrénée.
Ne pas prendre en compte ces comportements ou banaliser la situation peut renfermer l’enfant. Il se fera entendre par d’autres moyens : otites, allergies et autres symptômes à répétition jusqu’à provoquer une réponse de votre part.
3. Quel message ai-je envie de lui transmettre ?
Mais tout n’est pas un comportement codé porteur d’un message subliminal ! Dessiner sur les murs, couper un tissu, renverser un bol de céréales… sont autant d’expériences bien naturelles à leur âge. Mais nos réactions face à leurs “créations” conditionnent leurs croyances sur eux-mêmes.
Que devons-nous alors leur transmettre comme message ? Que voulez-vous leur dire ? “Tu es fou, ce que tu fais c’est sale” ou bien “Tu es créatif, tu as des idées originales, il serait intéressant de trouver le bon support pour laisser libre cours à ton imagination". Au deuxième message, l’enfant se sentira confiant. Au premier, il continuera d’agir ainsi.
Alors, si vous désirez lui apprendre le respect des objets, il faudra également respecter son besoin d’expression à lui. Rappelez-vous que nous avons toujours le choix entre des messages d’amour “Je t’aime, tu es capable” et des messages destructeurs “Tu es nul, tu ne vaux rien”.
2 parents, 2 discours différents ? Doit-on faire un front commun ?
Les enfants ne cherchent pas la faille dans le couple mais la vérité. Vous êtes une vraie personne aux yeux de votre enfant et non une “image” à ne pas ternir, vous pouvez vous tromper, “péter un câble" ou prononcer un mot plus haut que l’autre. Accepter et reconnaître ses erreurs permettra à votre enfant de faire de même. Vivre le désaccord (dans le respect mutuel) est essentiel pour un enfant, il est bien plus enrichissant de constater les diversités de point de vue plutôt que d’imposer une vision unique ! Votre enfant comprendra ainsi qu’il est possible de s’aimer tout en pensant différemment.
De façon générale, nos enfants écoutent et observent notre façon de vivre. Alors quel message voulez-vous lui transmettre sur le travail, le mariage, la liberté, l’amour … ?
4. Pourquoi dis-je cela ?
Qu’est-ce qui dicte mes réactions ? Qu’est-ce qui me pousse à dire oui ou non à mes enfants ? Pourquoi dis-je non à la glace en guise d’entrée ? Dis-je non par convenances sociales, par automatismes, par évidence ?
Si j’accède à sa demande, je cède à son “caprice” ? Non. Les caprices n’existent pas. Ce sont des inventions d’adultes, liées aux jeux de pouvoir. Revenons sur l’exemple de la glace, la demande d’un enfant de manger sa glace en premier n’est pas un caprice mais plutôt une expérience. Lui dire non et se braquer ferait entrer le parent et l’enfant dans un jeu de pouvoir. Selon Isabelle Filliozat, les jeux de pouvoir sont initiés par les parents et non les enfants, c’est le nourrisson qui est totalement dépendant de ses parents et qui plus est, n’a pas les capacités mentales pour initier ce jeu de pouvoir.
Écoutons nos enfants lorsqu’ils nous font des demandes et posons-nous la question, pourquoi dis-je cela ?
5. Mes besoins sont-ils en compétition avec ceux de mes enfants ?
Les besoins des parents et des enfants sont opposés. La plupart des parents aiment les espaces rangés, la propreté, le calme, les grass’ mat’. Les enfants sont à l’aise avec le bruit, les réveils aux aurores, les jouets éparpillés sur le sol, aiment crier leur excitation, courir, se cacher derrière les rideaux avec leurs mains pleines de chocolat… Bon, on comprend que cela puisse compliquer la relation.
Oui, être parent, c’est accepter de mettre pour un temps ses besoin de côté. Mais si nous ne respectons pas nos besoins propres, il est probable que nous n’arriverons pas à donner à nos enfants ce dont ils ont besoin. La compétition n’est pas la seule issue. La coopération est plus efficace. Reconnaissez, affirmez et protégez vos besoins (après le passage de la toute petite enfance bien sûr). Vous pouvez même négocier, tout le monde y trouvera son compte. Ce sont les fameuses limites, celles imposées par vos propres besoins. Qu’est-ce qui sera plus efficace selon vous : “Je désire dîner en paix, comment peux-tu faire pour protéger mon temps de repas?” ou bien “Tais-toi, tu es insupportable”?
Rappelons-nous que nos enfants sont dépendants de nous, que nous sommes les pourvoyeurs. Pour vivre en harmonie ensemble, contenons leurs frasques dans les limites que nous pouvons supporter.
6. Qu’est ce qui est le plus précieux pour moi ?
Un vase cassé, un jouet mal rangé, un vêtement au sol… Des petits détails qui peuvent souvent faire disjoncter un parent mal luné, oubliant ainsi ses priorités. Mais qu’est-ce qui est plus important ? Votre enfant fait une bourde, votre inconscient prend le dessus et vous fait perdre le contrôle. Mais nos enfants entendent cet inconscient, ils sont plus réceptifs à nos réactions qu’à nos mots.
Qu’est le plus important pour vous ? "L'amour de mes enfants, leur confiance en moi” ou “le jugement de ma belle-mère, la propreté de mon salon, ma tranquillité" . Nos réactions inconscientes peuvent entraîner des conclusions destructrices dans le cerveau de nos enfants “Le vase est plus important que moi, je ne suis pas important pour maman sauf si je suis parfait…”.
L’arrivée d’un enfant bouscule forcément le système en place. Si les parents n'acceptent pas ce chamboulement et vivent “comme avant”, l’enfant pourrait en conclure que son existence n’est pas importante, qu’il dérange - entraînant un sentiment d’infériorité. Or, un enfant a besoin de se sentir précieux, de sentir qu’il a sa place et que ses besoins sont pris en considération.
Alors, quand nos enfants bousculent l’ordre établi et que nous sentons que nous agissons en fonction de facteurs externes (l’éducation de nos parents, le regard d’autrui), posons-nous cette 6ème question : quel est le plus précieux à mes yeux ?
L’auteure a fait son choix : elle a choisi la route de l’amour avec ses enfants. Ne jamais les blesser, leur mentir, les humilier, les trahir ou les terroriser. Elle veut se montrer honnête, elle désire montrer ce qu’elle ressent, les valoriser leurs capacités et les aider à assumer leurs responsabilités sans culpabiliser. Un beau message.
7. Quel est mon objectif ?
Dans l’absolu, il n’y a ni “bien”, ni “mal”. Il y a juste différents chemins pour arriver à destination. Il est essentiel pour un parent de connaître cette “destination”. “Quel est mon objectif aujourd’hui dans ma relation avec mon enfant?”. La réponse dépendra de l’enfant, du parent, de l’instant présent et ne sera donc pas universelle.
L’auteure nous fait part d’un moment de vie avec son fils. Adrien casse par inadvertance un verre auquel elle tenait beaucoup. Elle éclate en sanglot mais reste consciente de son amour pour son fils et du message à faire passer : un amour inconditionnel malgré ce verre cassé. Sa façon de faire : exprimer sa colère sans accuser son fils, qui était déjà choqué par le bris de verre et lui-même en larmes de voir sa maman pleurer. Elle l’a rassuré, lui a dit qu’elle continuait de l’aimer et qu’elle avait besoin de pleurer car elle était triste que son verre soit cassé. Elle a parlé d’elle, de ses sentiments et non de lui. Lui n’a pas été jugé. Adrien pose maintenant les verres sur la table avec la plus grande attention, en reparlant de cet épisode. Il est plus attentif à ce qu’il touche et est conscient des conséquences de ses actes (sur ce qui l’entoure et sur autrui). Si elle l’avait grondé, traité de maladroit, il aurait éprouvé un sentiment de colère, de honte, de culpabilité et d’infériorité. Un sentiment qu’il aurait conservé et qui à chaque “maladresse” se serait confirmée.
Rappelons les 7 questions à se poser d'Isabelle Filliozat :
- Quel est le vécu de votre enfant ?
- Que me dit-il ?
- Quel message ai-je envie de lui transmettre ?
- Pourquoi dis-je cela ?
- Mes besoins sont-ils en compétition avec ceux de mes enfants ?
- Qu'est-ce qui est le plus précieux pour moi ?
- Quel est mon objectif ?
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